Tanatè ? Et les caprins? Et les Gaz lacrymogènes ?La queue était particulièrement longue à la banque où je suis allé demander un crédit. Pendant que j’attendais, les fesses ankylosées, je n’avais d’autre forme d’évasion que de me ronger les ongles. En fait, j’étais très anxieux de ne pas être éligible à ce prêt qui était mon dernier espoir pour changer de moto.
Cela fait près de deux décennies que je traîne cette vieille guimbarde qui commence à me pourrir sérieusement la vie.Je voulais de l’argent frais pour me payer une de ces motos génériques qui pullulent dans Conakry. Elles ont l’avantage d’être moins chères, même si elles ne résistent pas longtemps. J’ai besoin d’une nouvelle moto, peu m’importe sa durée de vie. D’ailleurs, je ne sais plus combien de temps il me reste à vivre moi-même. Il me fallait me faire plaisir, une fois en passant; prouver à mes voisins et à mes collègues de service que je pouvais aussi m’acheter quelque chose de neuf et changer de look.
En vérité, j’en avais marre des misères que me cause ma moto.J’ai tellement rongé mes ongles à attendre que quand vint mon tour, mes doigts étaient endoloris. L’essentiel était de se faire appeler, enfin, par la gonzesse chargée d’établir le dossier de prêt. C’est avec un grand soulagement que j’ai mis mes orteils dans son bureau, ma carte bancaire entre les pinces. Elle n’eut même pas le temps de me dire de m’asseoir que je me suis affaissé dans la chaise mousseuse en face d’elle.
Ouf ! C’était bien plus confortable que le banc sec et rugueux de la salle d’attente.Bien calé, j’attendais qu’elle prenne ma carte. Mais la vieille rombière avait plutôt les yeux rivés sur un vieil ordinateur. Pendant qu’elle auscultait ma situation bancaire, j’imaginais déjà le nombre de Guiluxe que j’allais m’offrir en guise d’arrosage de ma nouvelle moto. J’entrevoyais aussi les serveuses de mon maquis qui me feraient toutes sortes d’yeux pour espérer être embarquées. Je voyais enfin mon voisin rougir de jalousie en me voyant rentrer à la maison pour la première fois avec la moto. Rien que ce rêve en plein jour et les yeux bien ouverts a suffi pour m’envoyer très loin, vers le 7e ciel.
Mais c’était sans compter avec le verdict de mon interlocutrice.A ma grande surprise, la pépée a trouvé que ma situation financière ne me permettait pas de contracter un prêt à long terme. En effet, j’étais déjà coupé pour un prêt scolaire qui s’achève en juillet prochain. En plus, mon salaire est tellement faible qu’il me fallait au moins 4 ans pour espérer avoir l’argent d’une chinoiserie de moto neuve. A cette allure, je risque de sacrifier définitivement les petits plaisirs que je pouvais encore m’offrir tout en gardant ma vieille moto. Tanatè ?