A César ce qui est à César, le mérite revient en grande partie à la politique en la matière du ministère chargé de la Culture aidé en cela par des structures privées telles que Tidiane World Music et fortement appuyé par les médias publics et privés. Bref, les vedettes de la chanson en Guinée ont un terreau favorable, en dépit de l’absence criarde de producteurs ou de mécènes.
Malgré cela, chaque mois enregistre son lot de sorties de CD ou de cérémonies de dédicaces. Et pourtant la musique nationale, elle ne s’en porte pas mieux, et pour cause!
La jeune génération qui a succédé aux vieilles vedettes en herbe – qui n’ont hélas pas pu pousser – a vite cédé à la facilité en se jetant corps et âme dans le reggae et le hip-hop, servant ainsi au public de serviles imitations des musiques des bronx américains ou des faubourgs jamaïcains, quand il ne s’agit pas des mélodies des plages antillaises.
Certes, le prétexte est d’être dans »l’air du temps » pour »vendre », mais une rapide réflexion aurait permis de constater que même les ambianceurs de la RDC s’inspirent largement de leurs musiques et danses traditionnelles; que plus près de la Guinée, le zoblazo et autres zouglou sont fortement teints des expressions artistiques du terroir ivoirien. Mieux, le reggae et le zouk ne sont pas des produits créés en studio. Ils ont une histoire.
Certes, l’artiste est totalement libre dans son inspiration et son expression, mais, pour prétendre être l’ambassadeur de son pays, la moindre des choses qu’on lui demande, c’est une certaine identité. Youssou N’Dour, Baaba Maal, Ismaelo, Salif Keïta, Ali Farka Touré, Meiway, Khaled, Cheb Mami, Johnny Clegg, Manu Dibango, Pierre Akendengue, entre autres, se sont distingués par leur ancrage à la musique de leur peuple qu’ils ont naturellement modernisée (c’est aussi cela leur part d’originalité) avant de l’imposer au monde sous le vocable actuel de »world music ». Comme quoi, pour être un »grand », il faut avoir des racines. Il serait donc dommage qu’avec tout le talent dont elle fait montre, la nouvelle génération de musiciens guinéens manque d’inspiration.
On reprochait aux médias dans un proche passé de favoriser l’acculturation en diffusant plus de 80 % de musiques étrangères. Aujourd’hui, ce sont 80 % de musiciens guinéens qui jouent des rythmes étrangers sur les antennes. Le mal a simplement changé de camp. Le malheur dans cette affaire est que ce seront d’autres musiciens d’autres pays qui viendront puiser à la source des musiques traditionnelles de la Guinée pour revenir les proposer à la consommation des Guinéens. Vivement le réveil et le sursaut pour un travail de recherche!
Abdoulaye Sankara