Dans une émission radio dont il était l’invité il y a quelques jours, le Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana a déclaré, à propos des personnes tuées lors des manifestations de l’opposition, qu’il ” a tout fait pour faire la lumière sur cette affaire et que c’est l’opposition qui empêche la manifestation de la vérité”. Il ajoute que ” les victimes ont peur de de témoigner”. Ce qui empêcherait les procureurs de la République et les juges d’instruction de faire leur travail.
La rédaction de mosaiqueguinee.com a rencontré Me Mohamed Traoré pour dire ce qu’il pense de ces déclarations du Premier ministre. L’ancien bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Guinée, qui a toujours dénoncé l’usage excessif de la force, l’emploi illégitime de la violence et surtout le silence des États face aux homicides lors des opérations de maintien de l’ordre, dit qu’il est choqué mais pas surpris par les propos de Ibrahima Kassory Fofana.
“Lorsqu’un nombre aussi élevé de jeunes et d’adolescents sont tués pour avoir simplement pris part à des manifestations, donc dans l’exercice d’un droit constitutionnel, c’est accablant et surtout peu honorable pour un gouvernement. Comment peut-il justifier ou tout au moins expliquer ces actes et l’impunité dont semblent bénéficier leurs auteurs ?
En rapprochant les propos du Premier ministre de ceux d’autres ministres notamment celui de l’Intérieur, on s’aperçoit que l’État a opté pour la stratégie de la dissimulation de la vérité, de la négation de la réalité. Cela peut se comprendre car, encore une fois, les faits sont accablants. Mais le fait est que le cimetière de Bambeto où sont ensevelis ces jeunes et adolescents est quant à lui, une réalité incontestable.
Les familles de ces victimes ont besoin de connaître les circonstances et surtout les auteurs de ces actes par lesquels leurs êtres chers ont été arrachés à leur affection. Ces familles ont plus besoin de la vérité des faits que de l’assistance matérielle ou financière de l’État. Quand le Premier ministre affirme que ces familles ont peur de témoigner, c’est peut-être la peur de représailles de la part des forces de l’ordre. Il appartient donc à la justice de les rassurer. En fait, les procureurs de la République et les juges d’instruction ont toujours traité négligemment les dossiers concernant les victimes des forces de l’ordre lors des manifestations. On peut d’ailleurs comprendre, même si on ne peut approuver, la réticence pour ne pas dire la peur des magistrats à aller au fond dans la recherche de la vérité dans ces dossiers.
En effet, à chaque fois qu’il y a des morts ou des blessés dans les manifestations, un ministre ou le président de la République lui-même disculpe tout de suite les éléments des forces de sécurité en dehors de toute enquête judiciaire ou administrative. Quel serait alors l’intérêt du travail des juges dès lors que les coupables sont désignés par les autorités politiques et administratives ? Le gouvernement avance des théories auxquelles personne ne croit. Tous ces faits sont en effet suffisamment documentés et ne laissent de place à aucune forme de contestation sérieuse. Il n’est donc pas étonnant que les organisations de défense des droits de l’homme épinglent la Guinée sur la question notamment de la répression violente des manifestations “, a-t-il réagi au micro de
mosaiqueguinee.com.
— conakrylemag